La Kabylie vue par Marius de Buzon qui a vécu plus d’un an dans la région de Michelet

(Source en fin d’article)

Marius de Buzon, Vallée de la Soumam, huile sur panneau, 31×35 cm

« Réflexions de G. Chambon sur les rapports entre art figuratif contemporain et modernité, et présentation de son travail de peinture figurative. »

« Marius de Buzon, (Bayon-sur-Gironde 1879 – Alger 1958) est l’un des principaux peintres de ce que l’historienne Elisabeth Cazenave a appelé l’École d’Alger. Dès avant la première guerre mondiale, il avait été lauréat de la villa Abd-el-Tif et s’était donc rendu en Algérie, en 1913. Mobilisé en 1914, il part d’abord sur le front de Macédoine, puis est affecté en 1915 en Kabylie où il reste plus d’un an, dans la région de Michelet (Ain El Hammam) et de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen).

Il parcourt alors toute la Kabylie et prend de nombreux croquis : « je découvrais des êtres, expliqua t-il ensuite, la végétation, l’atmosphère et le reste, afin de parvenir, par la magie de l’émotion, à transférer la couleur en matière vivante » (Marius de Buzon cité dans « L’Afrique du Nord Illustrée », Félix Gros, Noël 1928, page 8). Après la guerre, il reste à Alger où il est professeur de dessin dans les lycées et collèges. Il sera par la suite nommé président du comité de patronage de la villa Abd-el-Tif, après avoir obtenu pour ses œuvres de nombreux prix et médailles au début des années 1920. En 1924-25, il réalise pour l’exposition des Arts Décoratifs de Paris une toile de 3m sur 8m représentant une synthèse allégorique des échanges de Bordeaux avec le Maghreb, l’Afrique Noire, et les îles lointaines, comme l’Océanie (cette toile est aujourd’hui visible au musée d’Aquitaine à Bordeaux). Marius de Buzon est en général étiqueté comme peintre orientaliste, mais il est davantage un peintre ethnographe, attaché à restituer dans ses tableaux la vérité des coutumes, de l’architecture, et des paysages ruraux maghrébins ; particulièrement ceux de la Kabylie qu’il connaît si bien et qu’il a particulièrement aimés. Quelques-unes de ses plus grandes toiles sont pourtant des sortes d’allégories, « instrumentalisant » la ruralité de l’Afrique du Nord, en lui conférant d’ailleurs une dimension symbolique plus proche de la sensibilité Nabi que du romantisme exotique caractérisant généralement l’orientalisme (exemple de la « bucolique kabyle » du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, qui rappelle Maurice Denis). Mais la plupart de ses œuvres sont des restitutions directes des ambiances croquées sur le terrain.

Marius de Buzon, La bucolique kabyle, 112×186 cm, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Pour la Kabylie, il a laissé un grand nombre de petites peintures à l’huile de format compris entre 20x30cm et 30×40, faîtes sur panneaux légers (contreplaqué ou carton), faciles à transporter et à poser sur les genoux ou fixer sur un chevalet sommaire. Elles ont, semble-t-il, pour la plupart, été exécutées sur le motif, ce qui leur donne cette vérité, cette énergie, et cette richesse des lumières et des couleurs ; donc tout l’opposé de l’orientalisme qui habituellement reconstruit en atelier des images stéréotypées et formatées au goût exotique des occidentaux.

Ces petites peintures sont aujourd’hui très dispersées chez les collectionneurs privés, surtout depuis la vente à Marseille en mars 2012, des restes de son atelier. Il a évidemment aussi réalisé de nombreuses toiles de format intermédiaire, compris entre 50cm et 110cm. Les deux exemples ci-dessous montrent chaque fois deux versions très proches du même paysage, dont l’une a probablement été exécutée sur place – la seconde, copiée, gardant cependant l’esprit « esquisse ».

M. de Buzon, vue du sommet des collines, huiles sur panneaux

L’une de ses peintures de Kabylie servit à graver un timbre poste, en 1955, soit trois ans avant sa mort. Marius de Buzon posa devant sa toile pour la promotion du timbre :

Voici quelques photos de ses petits tableaux de Kabylie, récoltées sur Internet, pour l’essentiel exécutés entre 1921 et 1945. Ils sont un émouvant témoignage de la beauté des paysages de cette région, et de l’amour que de Buzon leur portait. On y découvre son remarquable sens plastique, la sûreté de ses cadrages, la prestesse de sa touche, l’harmonie suave et la justesse de sa palette, attentive aux ocres de la terre, glissant parfois vers des gris pourprés, ou vers des beiges mordorés suggérant l’herbe brûlée par le soleil; prompte aussi à restituer de façon limpide et simple les frondaisons et les branchages, le vert profond des feuillages et le gris des écorces qui se marient avec le bleu de l’air. Enfin on ne peut qu’admirer son art consommé de restituer les effets de lumière et d’ombre sur les djebels lointains, avec un degré de subtilité des nuances et des contrastes rarement atteint par les autres peintres; avec aussi une fidélité qui frappe d’emblée tous ceux qui connaissent ces régions d’Algérie. »

Marius de Buzon, diverses scènes de la vie rurale en Kabylie, huiles sur toiles et panneaux
M. de Buzon, villages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, villages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, paysages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, paysages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, paysages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, paysages de Kabylie, huiles sur toile ou panneaux
M. de Buzon, diverses scènes kabyles, en bas à droite, le fort de Bougie – huiles sur toile ou panneaux

Bien à vous,

Timlilith-IB

 

Une réflexion sur « La Kabylie vue par Marius de Buzon qui a vécu plus d’un an dans la région de Michelet »

Laisser un commentaire