La décharge publique d’Ighil Bougueni – Aqavuc

aqabuc-neghSuite à la suggestion de discussion faite par Ouahab sur notre blog «Discussion autour de la gestion de la décharge publique d’Ighil Bougueni» et au constat effrayant fait par Zahir concernant l’état actuel de cette décharge et ses conséquences, il m’a paru important de chercher à comprendre un peu plus cette situation de dégradation environnementale, de risque potentiel sur la santé publique et d’atteinte à la sécurité et la protection du citoyen.

Dans ce qui suit, j’essayerai de comprendre chaque danger identifié, en m’appuyant sur des données académiques, officielles et des articles de la presse nationale. J’essayerai également de vous présenter un exemple de partenariat «gagnant-gagnant» entre le mouvement associatif et les autorités locales afin de relever le défi de la gestion des déchets dans nos régions. Zahir avait conclu son intervention sur notre blog sur une interrogation ouverte à tous qui en dit grand «Alors que faire?»


Le peu de littérature disponible sur la situation des décharges publiques dans la commune d’Ain-El-Hammam donne un constat alarmant et insoutenable. La gestion des déchets dans cette commune n’est pas maîtrisée. La situation échappe totalement aux autorités locales qui manquent d’une vision globale de la gestion des déchets dans la commune, laissant ainsi la place à des solutions improvisées et des campagnes de nettoyages ponctuelles au gré des évènements et de la volonté des élus. Ce constat étant fait, il est inutile de s’attarder sur les responsabilités des uns et des autres puisque le but recherché ici est d’essayer de démêler une situation où tous, les citoyens, le mouvement associatif, les écoles et les autorités locales partagent la responsabilité de cette impasse.

Sur le plan écologique :
La cause à effet est clairement établie entre les décharges sauvages et les contaminations répétitives des sources d’eaux en Kabylie (Taliwines). En effet, les décharges sauvages n’étant pas imperméabilisées et isolées du sol, les lixiviats (Lors de leur stockage et sous l’action conjuguée de l’eau de pluie et de la fermentation naturelle, les déchets produisent une fraction liquide appelée « lixiviats ». Riches en matière organique et en éléments traces, ces lixiviats ne peuvent être rejetés directement dans le milieu naturel et doivent être soigneusement collectés et traités)* pénètrent dans le sol et contaminent les sources d’eaux de la région et les nappes phréatiques. L’eau minérale, emblème de toute la Kabylie serait alors en danger de contamination. Dans le cas de notre village Ighil Bougueni, les deux sources d’eau les plus utilisée par les citoyens se trouvent fâcheusement en contrebas de la décharge publique «Aqavuc».
Sur un autre plan, le village d’Ighil Bougueni, à l’instar de toute la région, est connu pour la bonne qualité de l’air. Perché au sommet de la montagne, en l’absence de toute activité industrielle notre village est sensé avoir une qualité d’aire pure. Nous apprenons que la décharge publique de notre village devient un incinérateur à ciel ouvert à l’occasion de la saison estivale.

Sur le plan santé publique :
Les deux éléments évoqués précédemment (l’eau et l’air) sont étroitement liés à la santé publique. Ainsi, nous assistons aujourd’hui, à l’apparition de maladies jusque-là rares dans la région. Il n’est pas exclu que l’on associe ces nouvelles maladies (Cancers, maladies respiratoires et même l’infertilité aux émanations toxiques dues aux dioxines. Un contrôle rigoureux et régulier des eaux de source de notre village est de mise afin de prévenir tout risque d’atteinte à la santé publique lié à une éventuelle contamination.

Sur le Plan de la sécurité et de la protection publique :
Les services de la protection civile de la wilaya de Tizi-Ouzou ont clairement établi le lien existant entre les décharges publiques sauvages qui gangrènent notre région, l’incivisme de certains citoyens de la région qui jettent des emballages (Bouteilles et canettes de bières, verres de toutes sorte…etc.) sur les bordures des routes et les incendies de forêts qui menacent nos villages, nos maisons et la sécurité de nos villageois à tous les étés. Il est à rappeler qu’il n’existe aucun tri de déchets dans notre région. Les décharges publiques deviennent alors des endroits où sont entreposés pêle-mêle tous types de déchets (Plastique, verre, ferreux, médicaux, électroniques et des batteries de tous type). Un gisement d’accélérateurs d’incendie est ainsi exposé à ciel ouvert. Le facteur humain dans notre région n’est pas à exclure puisque c’est l’homme qui provoque l’incinération à ciel ouvert laissant ainsi les braises au gré des vents, les forêts non défraichies et les champs abandonnés aidant, les incendies trouvent un terrain favorable et se propagent a l’échelle de toute la région.
Cette situation déplorable ne peut perdurer dans notre village et dans notre région. Les citoyens par le biais du mouvement associatif peuvent changer leur destin en portant leurs doléances dans un cadre organisé aux autorités : locale, régionale et nationale. Le phénomène des décharges publiques ne peut être résolu village par village. Les élus communaux doivent dégager une vision globale du problème de l’insalubrité de la commune d’Ain-El-Hammam, de la gestion des déchets de la préservation de l’environnement et la protection de la sante publique. Ces trois dimensions doivent être prises en compte dans leur interdépendance afin de saisir toute la complexité de la gestion des déchets et sortir de cette vision étroite qui réduit la gestion à la tache du ramassage et de l’entreposage sauvage.

  1. Il est impératif de créer un C.E.T. (Centre d’enfouissement Technique) aux normes du ministère de l’environnement, dans la commune d’Ain-El-Hammam.
  2. La commune doit se doter également de centres de tris et de valorisation des déchets avant leurs envoi au C.E.T.
  3. Une politique de tri et de ramassage à l’échelle de commune doit être réfléchie (Installation de bacs de séparation des déchets organiques, plastique, ferreux…etc.) une telle réflexion ne peut se faire sans l’implication active de tous les villages de notre commune, d’Ath Ammar Oussaid, en particulier.
  4. Les comités de villages doivent engager une réflexion commune en collaboration avec les autorités locales afin de trouver un emplacement idéal pour ce centre d’enfouissement. Le dégagement d’une assiette de terrain pouvant accueillir ce centre est la clef de voûte de la réussite de ce projet, le reste consiste en la mobilisation des fonds.

La coïncidence dans la commune d’Ain-El-Hammam est que le ministre de l’environnement actuel, en l’occurrence M. Amara Ben Younes, qui jure d’éradiquer l’insalubrité dans la wilaya de Tizi-Ouzou, est aussi chef du parti qui a remporté les dernières élections locales dans la commune d’Ain-El-Hammam dont le nouveau maire est issu. Souhaitons que les élus du parti du ministre honorent la parole de leur chef et réalisent ce C.E.T.
L’exemple nous vient de l’association de Tizi Hibel, domiciliée en France (Type loi 1901), qui a entrepris et piloté un projet très intéressant dans la région. Celui de l’élimination des décharges publiques sauvages. Une belle collaboration entre la communauté immigrée et son village d’origine. Le projet est ficelé, les autorités locales ont embarqué et sont partie prenante. Ils sont au stade de la levée de fonds et de la collecte des subventions. Je vous invite à visiter le site de l’association en question pour plus de détails sur son projet.
Le Projet de Tizi-Hibel : Lien

C’est une bonne chose que de regarder les réalisations d’associations similaires à la nôtre. Cela nous permettra de bénéficier de leurs expériences. Je souhaite que cette discussion soit inscrite à l’ordre du jour de prochaine la réunion du collectif At-Ammar-Oussaid tout comme la discussion autour du jumelage. Deux projets qui méritent que l’on en parle afin de sensibiliser, de mobiliser pour qu’un jour on entreprenne.

Je joins ici une présentation sur l’état des lieux dans la wilaya de Tizi-Ouzou : Lien.

Lmouloudh

3 réflexions sur « La décharge publique d’Ighil Bougueni – Aqavuc »

  1. Article publié sur le blog de Timlilith-IB le 9 décembre 2012.

    Bonjour à toutes et à tous,

    Ouahab,vient d’evoquer un sujet d’une importance capitale,qui n’est autre que celui de l’environnement
    C’est vrais qu’il est desolant et regrettable de constater qu’on 2012,on arrive toujours pas à se débarrasser des décharges de déchets(depotoir) implantées en plein milieu du village.
    Helas,on fait tout pour que ça fasse partie de notre décor.

    Mais que faire ,quand on sait que par le passé des jeunes du village avaient pris connaissance du danger,ils ont alerté, ils ont sensibilisé,ils ont tout fait ,mais sans pour autant y remedier ,ces jeunes ont fait face à une multitudes de blocages , néanmoins l’histoire le retiendra.
    Que faire ,quand on sait qu’il ya quelques mois,l’APC d’Ain el Hammam s’est penchée quelque peu sur ce sujet. en effet un camion venait tout les deux jours , pour collecter nos dechets menagers ,malheureusement ce qui ressemblait à une prise de conscience,n’ a duré que 4 ou 5 mois apres le projet s’est estampé.
    Tout on restant persuadé que meme la solution preconisée par les services de la mairie n’etait ni durable ni écologique,pour ce problème. car il ramasse les dechets à ighil bougueni pour les déverser en face,à environ 5 quelques kms en vol de oiseau. plus precisement à coté du village n’ath sidi ahmed .

    Que faire quand on sait que durant ces dernieres années le chiffre des personnes atteintes de cancer a explosé dans notre village, on a eu le droit à des cancers du foie du sein de la peau de l’os et j’en passe.
    Oui vous me direz que c’est la maladie du siecle,mais s’agissant d’une aussi petite population s’a donne vraiment à reflechir,de plus que la concentration de l’affection intéresse un rayon du village bien determiné.

    Si toute fois les anciennes decharges, je parles du temps de nos grands parents,etaient composés de dechets en majorité biodégradables aujourd’hui les regles ont changés ,nos déchets deviennent de plus en plus toxiques. on y trouve de tout,des dechets menagers,des metaux du plastique,du verre,des liquides etc…
    et comme tout le monde sait que ces dechets peuvent resister des centaines d’années.et la nature à elle seul ne peut pas les degrader.

    Ces derniers années ce qui retient vraiment notre attention surtout en periode estival,c’est certainement la reaction de nos villageois, qui ne trouvent pas mieux pour lutter contre les insectes et les mauvaises odeurs,que d’allumer le feux et de creer un incinerateur a ciel ouvert.
    On le fait soit par oublie soit par meconnaissances des effet et des dangers que representent ces fumées,à travers tous les polluants quelles vehiculent comme dioxines, plomb,mercures,et autres …
    sachant que ces polluants sont actuellement mis en cause dans plusieurs maladies tel les cancers et les troubles de la fertilité.

    Alors que faire ?
    zahir medjber

  2. Pour faire suite à la discussion engagée sur les décharges publique dans nos régions de Kabylie, Boudjema évoque la nécessité de l’implication des comités de villages.
    Je pense notre travail tant qu’association portera d’abord sur la création de petits groupes de représentants de chaque villages, se constituer en association sur le sujet, puis le travail de cette structure consiste à mettre la pression sur les responsabilisées locales.
    Mais bien sûr cela implique la participation de chacun (chaque foyer) pour l’aboutissement du projet, une participation symbolique qui doit être obligatoire sous forme d’impôt.

  3. Merci Mouloud pour cette réflexion et cette analyse particulièrement intéressantes sur la décharge publique de notre village qui préoccupe l’ensemble des membres actifs de Timlilith-IB et l’ensemble des villageois. Sans oublier aussi de remercier Ouahab et Zahir d’avoir lancé ce débat.
    La manière dont tu as traité ce sujet va nous permettre, je l’espère, d’avancer sur cette question avec les autres villages voisins. Nous avons une réunion inter-villages le 3 février prochain et nous ne manquerons pas de mettre à l’ordre du jour ce sujet.
    Encore merci pour ta contribution et de ton engagement particulièrement appréciés au sein des Administrateurs et du Bureau de Timlilith-IB et dont tu fais partie avec bonheur.
    Bien à toi,
    Nacer MEZIANE.

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